Ingénieure exploitation chez Greensolver
Actu-Environnement : La confrontation des parcs éoliens au marché introduit-elle de nouvelles contraintes de gestion pour les opérateurs ?
Lucie Fresel : L'une des principales contraintes observées jusqu'à maintenant est liée au prix négatifs rencontrés sur le marché lorsque la production électrique excède la demande. Les parcs éoliens, qui vendent leur électricité sur le marché, peuvent être contraints de mettre à l'arrêt leurs installations lorsque les prix passent en négatif. On retrouve de telles clauses, plus ou moins strictes, dans la plupart des contrats proposés par les agrégateurs. En terme de gestion, cela impose aux opérateurs des parcs d'être disponibles et réactifs. Cela implique des dispositifs d'astreintes 24h sur 24 et 365 jours par an.
Surtout, cela pose des questions en terme de maintenance et de pannes. Pour éviter les pannes, il est préférable que l'arrêt des éoliennes soit réalisé par l'opérateur, via le turbinier, plutôt que par l'agrégateur, via la connexion au réseau.
AE : La maintenance préventive des parcs pourrait-elle évoluer avec la confrontation de l'éolien au marché ?
LF : C'est sûr que cela va entraîner de nouvelles contraintes de maintenance. Ces contraintes seront principalement liées aux clauses de disponibilité inscrites dans les contrats des agrégateurs. Pour l'instant, la vente au marché reste marginale en France. Nous n'observons pas encore de vrai changement, mais les gestionnaires s'intéressent au problème et s'interrogent.
A ce stade, c'est surtout l'intégration de l'éolien dans le marché de capacité qui initie la réflexion. L'éolien se voit attribuer de nouvelles responsabilités d'équilibrage du réseau, comme tous les producteurs. Les installations sont donc tenues d'être disponibles pour les périodes de pointe (PP2). Cela introduit un impératif de disponibilité de 07h00 à 15h00 et de 18h00 à 20h00 sur 10 à 25 jours par an. Les journées PP2 sont annoncées par RTE la veille pour le lendemain. Une panne peut toujours se produire, mais ces jours-là, aucune maintenance n'est possible. Il faut donc reporter les maintenances prévues.
AE : La vente sur le marché pourrait-elle introduire d'autres difficultés du même ordre ?
LF : On retrouve une obligation similaire : les contrats des agrégateurs prévoient que les gestionnaires de parc indiquent à l'avance la disponibilité de leurs installations. Le dispositif est différent, puisqu'ils n'ont pas l'obligation d'être disponibles, comme avec le marché de capacité. Ils ont simplement l'obligation de préciser au partenaire qui vend l'électricité s'ils le seront ou pas. Ils doivent généralement fournir l'information la veille pour le lendemain.
Cela pose des questions de délai aux gestionnaires, notamment lorsqu'ils font face à des pannes. En effet, il est difficile de prévoir la durée d'indisponibilité des équipements touchés. Lorsqu'une panne survient, comment garantir que le problème sera réglé dans les meilleurs délais ? La source de la panne peut être mal identifiée ou la réparation peut être plus longue que prévue.
L'enjeu est un peu différent pour les opérations de maintenance préventive. Bien sûr, les plannings sont connus à l'avance, mais ils ne sont pas toujours très précis. Souvent, ils peuvent être prévus pour telle ou telle semaine, mais pas forcément au jour près. Les opérateurs de maintenance s'offrent ainsi des marges de manœuvre, car souvent, ils préfèrent intervenir en urgence sur les pannes. Là encore, une incertitude règne.
De manière plus générale, les opérateurs de parcs préfèrent toujours réaliser la maintenance en été, plutôt qu'en hiver lorsque la production est importante. Mais certaines opérations ne peuvent pas forcément être décalées. C'est le cas de la maintenance annuelle réalisée à chaque anniversaire du parc. Jusqu'à maintenant, un parc mis en service en hiver effectue cette maintenance en hiver, mais peut-être qu'avec le temps, les opérateurs chercheront à la décaler.